Tananomby mai 2024
Tananomby mai 2024
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Rapport de la mission de Mireille Bernard Ah-Line et de Monique Raudrant à Tananomby du 18 avril au 5 mai 2024
Notre mission pour notre partenaire l'association ACLES s’est déroulée du 18 avril au 5 mai, et avait pour objectif de faire avec les responsables de l'association villageoise Vita, Christian et Zo, le point sur la situation générale du village, de l’école, des membres de l’association, des enseignants et apporter un soutien psychologique aux parents et psychopédagogique aux enseignants dans leur classe.
Ce besoin d’aide a aussi été exprimé par Christian et Zo, car depuis le décès de Gilbert Antigarrède, ils craignent pour l’avenir du village.
Cette mission nous a permis aussi de lister auprès de Mme Astier du Secours Populaire de Limoges les priorités des besoins pour les enfants et ce petit village perdu au fin fond de nulle part, à 8h de la capitale sur les hauts plateaux : comment font ses habitants pour ne pas être coupés du monde ?
Parties de Tananarive à 8h du matin vendredi nous sommes arrivées à Antsirabé à 14 h30, RN 7 infernale, pourtant censée relier la capitale au Sud du pays : comment un gouvernement peut-il ainsi délaisser les routes ? (Il est vrai qu’avec un hélicoptère personnel cela ne pose aucun problème.) Le lendemain nous quittons la RN 7 encore plus dégradée pour une route, bitumée au départ, puis piste avec des ornières atteignant par endroits 50 cm, qui passage sur un pont de bois de palettes (les vestiges de l’ancien pont sont toujours visibles). Par chance nous étions en période sèche ! À l'entrée de chaque commune traversée, contrôle de police ou de gendarmerie : la guerre contre la corruption est loin d’être gagnée...Heureusement sur cette route cahoteuse des scènes de vie quotidienne bucoliques, des rires d’enfants dans les rizières verdoyantes, des travailleurs à la tâche qui chantent pour se donner du courage... Enfin après plusieurs passages difficiles où les mécaniciens et notre guide ont dû pousser la voiture, nous voici arrivées à Tananomby à 14 h30.
Les enfants reconnaissent le véhicule de ViTA et de loin alors qu’ils se baignent dans les canaux des rizières ils nous font de grands signes pour nous souhaiter la bienvenue. Que d’enfants ! Nous nous interrogeons sur la politique démographique de ce pays, l'un des plus pauvres du monde, dont la population a plus que triplé en trois décennies.
Tonga soa !
Nous sommes accueillies chaleureusement par L’équipe de ViTA. La structure dédiée à l’écotourisme est sommaire mais propre, le jardin fleuri. Après les présentations d’usage et le rafraîchissement, nous voyons bien que nous sommes attendues comme le Messie.
Il est vrai que depuis le décès de Gilbert les habitants du village et le personnel de ViTA ont craint que tout s’arrête. Heureusement Alain Cadet est venu un long moment les encourager et s’est beaucoup investi pour ce village. Ils ont aussi beaucoup apprécié le passage de Didier Bourse accompagné d'amis touristes allemands.
Des projets, les responsables Christian et Zo en ont, tout le village attend leur concrétisation. Il a fallu parfois faire des choix difficiles : continuer l’écolage, ne pas donner à manger aux enfants, augmenter le salaire des enseignants...
Pour Zo et Christian, le choix a été clair : les repas seront toujours assurés du lundi au vendredi avec le matin une soupe de riz et un repas à midi, même pendant les vacances. La composition des repas des enfants, qui ne comportent de la viande fraîche et du poisson séché que le jeudi et le vendredi a été modifiée. Christian nous fait remarquer que de nombreux enfants sont sous la courbe de leurs poids de référence et présentent énormément de caries. A notre avis, une protéine animale supplémentaire et un laitage voire deux par semaine ne seraient pas un luxe. Mais le poulailler construit par les parents du village n’accueille pas de poules pour l’instant : le bâtiment, construction « marocaine » mal adaptée à une terre différente, doit être consolidé. Depuis la Covid les poules n’ont pas été remplacées, la guerre en Ukraine a fait flamber le prix de la provende pour les poules pondeuses. Une personne est prête à s’investir pour s’occuper des poules pondeuses. Pour l’instant il y a une vache, là aussi Christian a des projets de fabrication de yaourts pour les élèves après le prélèvement du lait. Il souhaite former une personne responsable de la production des yaourts. Nous espérons beaucoup une aide du Secours Populaire pour augmenter la dotation pour la cantine des enfants.
Nous avons fait le tour du village et avons visité la structure de ACLES, l’école, la garderie, la bibliothèque, le puits, la cantine, le poulailler, l'atelier, les logements des enseignants dont les toits doivent être refaits. Il y a tant et tant à faire, nous souhaitons vraiment que l’aide du Secours Populaire de Limoges se pérennise.
Christian et Zo sont originaires de ce village ils ont à cœur d’aider les enfants et les habitants de Tananomby. Ils sont présents, dynamiques, bienveillants, courageux, ils ont des idées plein la tête pour leur village. Ils possèdent cet esprit de solidarité. Ils soutiennent deux enfants abandonnés par leur père et dont la mère est décédée. Ils nourrissent aussi et s’occupent d’un adulte schizophrène qui a trouvé en ce lieu un cocon protecteur. Ils méritent vraiment d’être soutenus dans leur projet VITA par ACLES.
L’école du village compte 230 enfants. C’est une école reconnue par les villageois et ceux des alentours qui souhaiteraient y faire scolariser leurs enfants car les taux de réussite aux examens sont probants. Elle fonctionne du lundi au vendredi.
Il y a en tout 7 enseignants, dont un, détaché pour la bibliothèque, est maître remplaçant en cas d’absence. Leur niveau est hétérogène,
mais tous sauf une ont du mal à s’exprimer correctement en français. Nous les avons rencontrés dès le premier jour de notre mission. Ils sont accueillants, bienveillants, consciencieux, responsables. Mais leur niveau en français est bas, ils ne sont plus formés et demandent de l’aide. Ils aimeraient davantage d’échanges en français. Ils sont quelquefois démunis devant le travail à accomplir dans leurs classes
en surnombre avec une moyenne de 32 élèves. La garderie compte 23 élèves, la jeune femme qui en est responsable ne parle pas français et a du mal à être à la hauteur de la tâche.
Apparemment l’impact de la Covid sur le niveau scolaire des enfants a été catastrophique. Pendant 2 semestres les enfants n'ont pas été scolarisés, il n'y a pourtant eu aucun cas de COVID dans le village. Mais heureusement ils venaient quand même manger à la cantine.
Nous avons sollicité un appel en visio avec une responsable du Secours Populaire de Limoges pour les projets à venir. L’échange a été fructueux et Christian et Zo les responsables de Vita rassurés. Il leur reste à faire pour AClES des projets à moyen et long terme qui seront étudiés par la commission du Secours Populaire de Limoges. Nous avons vu ensemble les priorités pour les enfants et le village :
Refaire le puits dans les normes, 2 entreprises de la région ont été contactées et les devis seront réalisés. Le manque d’eau est crucial depuis l’arrêt du puits aussi on utilise les réserves d’eau stockées dans les citernes noires. les enfants qui avaient une douche par semaine n’en ont plus. Les petits eux avaient une douche tous les deux jours.
Refaire en tôle les toitures des logements des enseignants, des classes maternelles et de la garderie ; en profiter si possible pour mettre une chape de ciment sous le préau pour éviter la poussière rouge qui pénètre dans les classes des petits.
Revoir le système photovoltaïque défectueux sur certains bâtiments.
Une demande unanime des enseignants est une augmentation de leur salaire : chacun perçoit 47 euros par mois, certaines ont 24 années d’ancienneté. le travail accompli par ces enseignants est énorme, ils sont courageux, laborieux. Ils ont certes besoin d’être formés et stimulés car ils se sentent démunis et nous constatons leur désarroi lorsqu'ils parlent de leur salaire. Que leur répondre ? Nous prenons acte de leur demande et la transmettrons. Nous suggérons comme Gilbert l'avait déjà fait le parrainage d’un salarié, enseignant ou ouvrier (un ouvrier ne perçoit que 27 euros par mois)
Tous ces sujets sont à évoquer avec ACLES..
Durant notre séjour, Monique s’est particulièrement intéressée aux classes maternelles et à la garderie. Elle a beaucoup échangé en malgache avec les maîtresses, les parents et les enfants. Moi j'ai assisté à des cours dans chaque niveau de classe et conseillé des méthodes de travail plus dynamiques que l’enseignement frontal et statistique. Ce travail a été très apprécié par les enseignants qui me demandaient de revenir et de les former davantage.
Que dire des enfants ? Ils sont heureux, respectueux, volontaires, ils ont soif de savoir. Tous savent décoder, leur livre de lecture est la méthode Boscher, mais trop peu encore comprennent le français. Reste désormais à ce que le vocabulaire en français se mette vraiment en place.
Ces enfants se contentent de petites choses. Ils chantent, dansent, apprennent et sont sensibles aux encouragements.
Tous les matins ils arrivent à 8h à l'école avec un bout de bois pour alimenter le foyer de la cuisine. Le lundi matin a lieu le lever du drapeau. Tous les enfants sont en rangs. Le drapeau est levé par 2 jeunes du CM. L’hymne national est chanté en chœur à 2 voix. C’est toujours un moment émouvant, les enfants mettent toute leur ardeur à chanter. Ensuite chaque enfant dépose sa bûche sous le préau et les plus grands les apportent à la cuisine. Ils auront à 10 h une collation à base de farine de riz et de lait concentré lorsque cela est possible. Le repas du lundi sera composé de riz et de grains faute d’œuf.
Chaque vendredi, avant la descente du drapeau, tous les élèves nettoient leur classe avec des branches feuillues cueillies en chemin.
Nous leur avons offert une omelette géante ainsi qu'un goûter festif avant notre départ. Ils nous ont remerciées à leur manière en nous mêlant à leurs chants et leurs danses.
Ce fut très émouvant.
Devant le nombre croissant d’enfants sans père dans le village, Monique a suggéré à Christian une intervention sur la protection sexuelle (MST et grossesse non désirée) et sur l’attitude des hommes qui fuient leur responsabilité. Cette démarche auprès des villageois a été bien accueillie et a rencontré un franc succès. La salle de la cantine était comble, chacun a pu questionner, donner son avis sur le sujet. Christian et Monique ont réussi à sensibiliser jeunes et moins jeunes sur cette problématique de la contraception et des maladies sexuellement transmissibles. Monique a aussi distribué à qui le voulait des préservatifs. Tous les enseignants ont aussi participé à cette rencontre.
Beaucoup d'émotion le jour de notre départ ! Tout le corps enseignant et leurs élèves ont tenu à nous remercier par leurs chants et même par un présent symbolique. Christian a fait un dernier discours, chacun espère nous revoir bientôt.
Nous leur avons promis de faire de notre mieux pour améliorer la vie du village et le quotidien des enfants. Et pour la formation des enseignants nous ferons appel à des volontaires de AGIR abcd.
Mireille AH LINE et Monique RAUDRANT (photos AGIR abcd - Mireille BErnard Ah-Line)
Voir et/ou télécharger plus de photos avec ce lien : https://drive.google.com/uc?id=19OgvE_TK-aVU8PSfH0WLzhNnAvefliDS&export=download