Tananomby face à la sécheresse
Tananomby face à la sécheresse...
- Détails
- Catégorie parente: ROOT
Gilbert Artigarrède, Président de l'ACLES (Association de Coopération Laïque, Educative et Sociale) créée en 2004 afin de venir en aide aux familles défavorisées de cinq hameaux proches du fokontany de Tananomby sur la commune rurale de Fiadanana à Madagascar, qui reste en étroite relation avec les membres de la communauté rurale, nous fait part de ses réflexions surla sitiation actuelle du pays et plus particulièrement de cette région des hautes terres, mais aussi de ses doutes et de son envie de pouvoir retourner là-bas, sur place, comme il le fait régulièrement chaque année. Avec la pendémie de la Covid 19, l'avenir reste très incertain...
La sécheresse fait aussi des ravages sur les hautes terres et les pluies sont d’année en année plus tardives. Les traditionalistes qui n’ont pas pu se résigner à différer le repiquage du riz, une fois de plus le regrettent amèrement. Tout est cuit et la terre craquelée en profondeur. Même pour les quelques privilégiés qui ont une source directement en amont de leur rizière. Pour ceux-là, c’et la double peine car en plus de la perte des semences ils ont dû défendre âprement leur élément liquide. Nuitamment la guerre de l’eau fait rage.
A Tananomby, sur les quatre points de captage d’eau potable, un seul donne encore un peu. Sur les cinq borne-fontaine, nous n’en avons maintenu qu’une, deux heures par jour et les familles n’ont droit qu’à vingt litres par jour. Nous nous demandons combien de temps nous allons pouvoir tenir. Pour la cantine, nous puisons sur le puits que nous avons eu la bonne idée de faire creuser au printemps suite à l’effondrement partiel de l’ancien. Le niveau n’est pas très haut mais il se maintient. Pourvu que ça dure !
L’école primaire, la maternelle et la crèche ont repris début septembre, soit un mois avant les EPP. Aucun instituteur n’a fait défaut, et pour cause, nous sommes certainement la seule école privée qui a versé les salaires et fait fonctionner la cantine gratuite, même pendant la période de confinement. Au niveau des effectifs, pas ou peu de changement : deux cent dix-neuf enfants, huit enseignants, un chef de projet faisant fonction de directeur de l’école, un intendant, seize employés, femmes et hommes semi-bénévoles chargés des cantines, de la crèche, de l’entretien des locaux et du matériel, de l’agriculture.
Outre la sécheresse, le secteur subit des attaques de bandits armés. Plusieurs attaques, dont certaines avec mort d’hommes, ont été perpétrées dans les environs proches. Les gendarmes et quelques éléments de l’armée ont été détachés mais la psychose est probablement aussi grande dans leurs rangs que dans la population. A Tananomby, les gens se sont organisés en groupes de vigilance nocturne. Ils n’ont pas d’armes à feu. La fatigue gagne et ces tours de nuit sont assez mal vécus, surtout qu’ils pensent être dans le collimateur des malandrins pour la prochaine attaque. Pas besoin d’aller au cinéma pour vivre un western. A Tananomby c’est western jours et nuits.
La dévaluation de l’ariary se fait aussi durement ressentir dans les bourses familiales car, bien que le gouvernement dise le contraire, les produits de premières nécessités augmentent en permanence.
Il me tarde que les frontières s’ouvrent mais là aussi, ça risque d’être rock-and-roll. Gilbert Artigarrède
PHOTOS : Le village de Tananomby (Archives A.C.L.E.S) et, en dessous, de G à D Monique Raudrant-Rakotomalala, Gilbert Artigarrède et Gérard Moutard au cours de la mission AGIR de 2019.